Stéphane La Rue: "Sols inapparents et autres simulacres"

Présenter simultanément à la galerie ses derniers tableaux et ses premières photographies tenait de l’évidence : les deux démarches partent d’une même réflexion sur l’art et ses représentations, aussi sur l’illusion de leur portée.

La série Sols inapparents résulte d’un séjour de 6 mois à Rome. Peintre dessinateur non photographe, La Rue s’y impose la caméra comme seul outil de travail, s’astreint à regarder autrement son nouvel environnement. 

« A côtoyer églises et basiliques, les planchers de marbre ont accaparé mon attention. Mes premiers clichés révélaient surtout leur aspect décoratif mais pour étudier ces planchers, j’ai dû les regarder de près et en détail, j’ai pris des libertés dans leurs captions, les angles de point de vue de la caméra reliés aux motifs géométriques des planchers m’amenaient à voir l’espace comme une perspective, un plan illusionniste. Rainures, transparences, couleurs, motifs géométriques, toutes anomalies créées par l’usure du temps, contribuaient à construire mes images. L’intention ne visait plus un répertoire, les planchers mêmes devenaient les matrices de mes explorations. » 

Le titre du corpus, Sols inapparents, emprunté au poète Gilles Cyr, s’est imposé, vu notre angle d’insouciance au regard des planchers d’églises et basiliques qui par leur séduction architecturale, sculpturale et décorative, tirent l’œil vers le haut ! 

L’exploration formelle des planchers romains évoque des questions récurrentes: la trame du bois des tableaux de La Rue appelle les veines et textures du marbre des planchers, s’y recoupent également les motifs géométriques et les délimitations entre espace, surface et volumes. Comme dans son travail pictural, les liaisons reconnues de la matérialité et l’attention aux formes/plans dominent. La photographie, intrinsèquement de l’ordre de l’illusion stimule à revoir la réalité du tableau comme objet. 

« Je réfléchis sur l’impossibilité de la représentation, Pourtant, ces images, tout en représentant des planchers, nous transportent dans un espace étrange. Je questionne le passage (ou plutôt les possibles allers-retours) entre photographie et peinture, le besoin de contacter la matière malgré l’utilisation d’outil technologique. » 

Ce corpus d’après le séjour à Rome révèle son important pivot d’exploration, renouvelant le langage pictural par le biais de la photographie qui, cette fois-ci, touche radicalement l’espace illusionniste. 

Confirmant sa démarche, cette autre voie intégrée à son langage formel témoigne d’une largeur de vue accrue à saisir les sujets, formes et matériaux.  Ce projet photographique parle toujours de peinture, mais d’une peinture qui, en redécouvrant le monde, le saisit et le présente autrement.