Paul Hardy: THIRD

C’est dans une approche picturale laissant place à l’intuition, à la primauté, à la répétition et à la poétique du geste que se développe le travail de Paul Hardy. Une tension s’opère entre le désir de traverser divers champs de connaissance autorisant une charge conceptuelle et matérielle riche au tableau, et celle d’aller au plus simple afin d’atteindre une essence lumineuse, diaphane, quasi immatérielle. Cette contradiction dans la volonté de l’artiste habite toute son œuvre. Elle lui confère une complexité de lecture qui se dévoile dans une attention soutenue du regard. L’enjeu du travail ne réside pas dans un réseau de références faisant la démonstration d’une érudition historique de la peinture. L’autoréférence picturale et les citations, dans leur reconfiguration, témoignent d’une recherche où les tableaux deviennent des sites d’explorations modulables. Les oppositions sont mises de l’avant dans une vision du monde multidimensionnelle où les visées thérapeutiques ne sont pas évacuées. C’est une tentative de se libérer du cynisme en se rapprochant d’un amalgame entre le spirituel, l’authenticité et le geste pictural. Un besoin d’être en adéquation avec des valeurs plus humaine et personnelle de manière à engager le corps autant que l’esprit.

THIRD, c’est cette impossible réunion des dualités. C’est cet espace autre, ce tiers, que la pratique permet de créer. THIRD est tissé de connexions mimétiques qui ne se réduisent pas à la somme des éléments le constituant. C’est un glissement entre une recherche plus formaliste et conceptuelle vers un questionnement qui se veut plus ouvert au profit d’une réactualisation de la pensée. Les jeux de surfaces et de transparence créent des brèches dans l’unité du tableau tout en créant une physicalité plurielle. THIRD, c’est également la mise en relation des tableaux. Renvoyant au concept de la psychanalyse où le tiers devient cet espace qui peut exister entre deux personnes lorsqu’elles sont dans une relation d’agencement, sans être complètement déterminées par l’autre. Une complémentarité qui n’est ni binaire ni linéaire. Ainsi, les propositions picturales de Paul Hardy, dans leur diversité, se déploient dans une constellation où les répétitions ouvrent un ensemble de potentialités à expérimenter. 

Isabelle Guimond