Marcel Marois

Aristote considérait l’imitation comme une tendance naturelle, un moyen pour acquérir des connaissances et une source de plaisir. Cette conception de l’art conciliait l’engagement propre à la mimésis et la démarche intellectuelle, et elle permit de saisir positivement ce que Platon dépréciait en jugeant que la mimésis était une falsification. Motivée par un souci de similitude, l’exécution dans une forme artistique aussi spécifique que la tapisserie de haute-lice et visant la précision dans l’interprétation transforme la nature même de la surface matérielle tissée et du sujet traité à partir du «carton» créé précédemment. L’œuvre de Marcel Marois s’enracine dans cette conception de l’art où l’imitation est détournée de sa référence pour donner à voir une réalité qui n’existe que dans l’œuvre, et qui dépend esthétiquement des moyens choisis pour sa réalisation. C’est un paysage qui apparaît dans l’amalgame de différents points de vue, donnant au parcours visuel une expérience esthétique qui n’existe pas dans la nature tout en s’en inspirant. La mimésis est ici une fascination intériorisée, une einfühlung où la personnalité de l’artiste s’accomplit à travers son exploration mémorielle conjuguée à son aventure intuitive qu’il investit dans l’exécution. Il n’y a de mimésis que celle d’un savoir-faire qui précise ses possibilités d’évocation à chaque étape, établit le dialogue d’un choix à l’autre, examine le détail et l’ensemble tout à la fois.  Le devenir de l’œuvre n’apparaitra qu’à la suite de ce cheminement avançant dans l’inconnu en utilisant les potentialités insoupçonnées du connu. Le hasard s’immisce à travers l’expérience technique en corrélation avec le regard esthétique qui s’attache à chaque détail tout en recherchant la plus grande cohérence visuelle pour l’ensemble. L’œuvre terminée est une constellation de points colorés savamment orchestrés en zones fluides circulant entre des verticales structurantes qui définissent la rythmique du mouvement pictural. Quelques taches de couleur aux accents chromatiques complémentaires attirent le regard tout en invitant à poursuivre la perception de l’œuvre dans les multiples facettes de sa singularité. Paradoxalement, le détail et le tout sont indissociables dans cette grande composition de nature paysagique qui nous inspire une densité expérientielle liant la mémoire et la découverte dans l’exploration de la surface tissée, parfois de loin et parfois de près.

Nicole Malenfant
02-2023