Un geste patient, d’un recommencement incessant, un geste tout simple aussi. Tracer une ligne mille fois, dix-milles fois…, si souvent qu’elle se trouve transformée. La tracer doucement ou violemment, en grattant, en frottant, en frappant. La noyer dans la liquidité de la peinture, la voir disparaître puis réapparaître, la poser dessus, à côté, autour, la redresser, l’allonger, la laisser tomber encore et encore…
Construire des surfaces fragiles et denses comme des impromptus, des toiles faites d’une matière aussi maigre que celles d’un paysage qui se regarde dans l’eau, suspendu dans le tableau, en transparence dans le médium de la peinture, …juste pour voir …encore une fois… Cet ensemble de presque-riens, sans bords, ni centre, ni hiérarchie de la surface, ce feuilleté d’intentions labiles et d’aléas du processus, propose un palimpseste de temps entremêlés. Il y a beaucoup de moments de peinture au sein de chacune d’elle, les gestes s’y croisent, se séparent, se complètent ou se suivent, s’oublient parfois. C’est dans cet esprit que le présent corpus d’œuvres a pris forme. Je suis revenue, comme il m’arrive de le faire, vers certains aspects de ma pratique pour les retravailler et, comme j’en ai l’habitude, je me suis retrouvée dans une position bien différente de celle que j’avais d’abord imaginée. C’est Marguerite Duras qui, racontant vouloir écrire sur l’humidité du parc, et afin de s’en rappeler le lendemain, nota dans son cahier : les humidités du parc. J’aime penser que l’imprévisible puisse nourrir la conscience et la connaissance, qu’il puisse être notre perte comme notre retour. Se produisant à notre insu, il apparaît bien souvent comme une compression de temps, d’espaces, de désirs… Donc, je m’intéresse aux entours de l’image plus qu’à l’image elle-même et, je questionne les conditions de son apparaître. … écouter ce qui se dit dans les silences, ce qui se voit dans les absences, c’est travailler l’avènement…, le faire résiste à ce qu’il a à faire, et la conscience à le reconnaître…
(Bribes éparses, A.Verret) Tout mon désir d’image est dans cette suspension; ce léger décalage est mon lieu; à travers mes gestes j’apprends à voir et plus exactement à comprendre le monde, cette chose difficile à circonscrire, à nommer, à définir, cette chose qui fuit, qui s’évapore, qui se cache, se fond, se perd… Ce lieu où l’image m’attend….
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Un geste patient, d’un recommencement incessant, un geste tout simple aussi. Tracer une ligne mille fois, dix-milles fois…, si souvent qu’elle se trouve transformée. La tracer doucement ou violemment, en grattant, en frottant, en frappant. La noyer dans la liquidité de la peinture, la voir disparaître puis réapparaître, la poser dessus, à côté, autour, la redresser, l’allonger, la laisser tomber encore et encore…
The construction of surfaces which are as fragile and dense as interruptions, the canvasses made of matter which is as thin as that of a landscape which sees itself in a reflection on water, suspended within the image, as transparency within the medium of paint, …just to see …once again…
This group of nearly-nothings, with neither edges nor centre, nor hierarchy of surface, this layering of changing intentions and vagueries of process, propose a palimpsest of overlapped time. There are many moments of painting at the heart of each, gestures which cross paths, separate, complete themselves or becoming lost, occasionally are forgotten. It in such a spirit that the present group of works took form. I returned, as is my wont, to certain aspects of my practice to rework them and found myself in a different position to that which I had originally thought. Marguerite Duras who, describing her desire to translate the humidity of the park, and finally remembering it the next day, writes in her notebook: « the humidities of the park ». I like to think that the unforeseen can nourish awareness and understanding, that it can be our loss as well as our arrival. Coming into being despite all that we can do, it often appears as a certain compression of time, space, desire… Thus, I’m more interested in the edges of the image than in the image itself and I search for the conditions allowing its appearance.
that which is said in silences, that which is seen in absences, is to work on the becoming…, doing resists both that which is to be done, and the consciousness to recognize it…
(Ruminations, A.Verret)
All my research is in this suspension; this light is my place; through gesture I learn to see and more precisely, to understand the world, this singularly difficult notion to name, to define, this thing which flees, which evaporates, which is hidden, melts, is lost… In such a place, my image awaits…
Artiste: Angèle Verret
Documents:
angele-verret-se-perdre-en-foret-fr
angele-verret-be-lost-woods-en