Martin Boisseau: "Surfaces inertielles et seuils optiques"

Avec cette série de tableaux-installation, j’explore la couleur pour une première fois. Ces tableaux-installation proposent une expérience phénoménologique où la saturation mouvante de la couleur et les limites physiologiques de la vision sont mises en jeu. Avec la curieuse triangulation que constituent la couleur matière, la couleur lumière et l’œil, je propose d’expérimenter une sensation par laquelle l’expérience visible du tableau s’expose comme un dérèglement, comme un joyeux bouleversement de la capacité même de regarder.

L’interaction entre le dispositif d’éclairage et la surface peinte, crée une situation dans laquelle les sous couches du tableau remontent à la surface et font, tour à tour, apparaître et disparaître des formes colorées : le lieu même de la couleur semble indéterminé. Consentir à cette expérience, c’est accepter de ne plus savoir où se situe la couleur : ne plus savoir en quelles proportions de l’œil, du tableau ou de l’éclairage elle est arrimée.

Il s’agit ici, pour moi, d’évoquer la dépossession psychique que provoque parfois le retournement de la pensée sur elle-même, du vertige désorienté de celle-ci, alors qu’elle prend ses propres conditions de possibilité comme objet d’attention. Je désire révulser le regard et le fasciner de ne plus savoir à quoi attribuer ce qu’il voit.